dimanche, juin 25, 2006

Le point de vue Africain

Quand Montesquieu écrivit les Lettres Persanes, il cherchait à critiquer la situation monarchique française à travers le point de vue des étrangers. La fraîcheur des perspectives chez Montesquieu était fictive, étant lui-même l’auteur, mais l’idée même est intéressante. Voici comment Sarkozy est vu d’Afrique. L’article se penche sur le jeu politique de Sarkozy qui a cherche à la fois a virer les étrangers mais aussi apparaître accueillant et humain. Aux Etats-Unis, un certain candidat – George W. – se disait un « conservateur compatissant ». (Et on voit comme ça marche bien pour W.)
La clé de ce double langage est sans doute à rechercher dans la perspective de l’élection présidentielle française de mai 2007. Même si nul ne doute de l’attachement de Nicolas Sarkozy aux valeurs républicaines et même s’il ne déplaît pas à l’intéressé de rappeler qu’il est lui-même fils d’immigré - immigré blanc, il est vrai, hongrois, aristocrate de surcroît, installé en France en 1948 et naturalisé deux ans plus tard , l’homme est un animal politique qui a appris auprès de Jacques Chirac l’art et la manière de ne guère s’embarrasser de principes. Conscient de la profonde atonie du programme des socialistes en la matière et fort de l’appui d’une majorité de l’électorat (entre 60 % et 65 % d’opinions favorables), le ministre de l’Intérieur a fait voter une loi dont les contours semblent dessinés pour plaire au vivier du Front national (FN). Une logique d’ailleurs parfaitement revendiquée : « Si le FN a progressé, c’est que nous n’avons pas fait, à droite, notre boulot », expliquait-il récemment, avant de préciser, le 2 mai, à l’Assemblée : « Pour beaucoup de Français, l’immigration est une source d’inquiétude. Ils y voient une menace pour leur sécurité, leur emploi, leur mode de vie. Les Français qui pensent de la sorte ne sont pas moins respectables que les autres. » Le constat n’est peut-être pas faux, mais tout le problème est dans la réponse. Un homme d’État s’emploierait, avec pédagogie et sans craindre l’impopularité, à démonter la réalité de cette menace et à effacer cette peur. Nicolas Sarkozy, lui, a choisi de la chevaucher pour la récupérer en sa faveur. « Si certains n’aiment pas la France, qu’ils ne se gênent pas pour la quitter », a-t-il répété à deux reprises ?en ce mois de mai, avant d’ajouter : « Si Jean-Marie ?Le Pen dit : le soleil est jaune, devrais-je dire qu’il est bleu ? » Pour un homme très préoccupé par l’image qu’il renvoie de lui-même, les porteurs de pancartes qui ont chahuté sa tournée africaine l’ont donc plus servi que desservi. Son style corrosif, « burné », provocateur, hyperactif et volontiers agressif a trouvé là un terrain - médiatisé - où s’exprimer. Et puis, pourquoi se soucierait-il de ces Maliens et de ces Béninois qui le prennent à partie et parfois l’insultent ? De leur déficit assumé d’intérêt, de connaissance et de mémoire des relations franco-africaines, Sarkozy et ses proches ont fait une politique, définie pour la première fois dans le discours de Cotonou. Un curieux discours, où le plaidoyer en faveur d’une relation adulte et pragmatique côtoie le refus de tout sentiment de culpabilité et le moratoire de la dette historique morale et économique de la France en Afrique. Un zapping général du passé et une remise à plat sans état d’âme qui est en fait le pendant extérieur, à destination des pays de provenance, de la loi de mai 2006 sur l’immigration choisie. Finis, les rapports privilégiés, les coups de fil à l’Élysée et le chantage à la concurrence. Adieu les effusions à la Chirac, les « Cher Omar » et les « Cher Blaise ». Aux Ivoiriens rétifs et à tous ceux qui seraient tentés de les imiter, Nicolas Sarkozy a ainsi prodigué, le 19 mai, le même conseil qu’aux émeutiers de banlieues et aux chanteurs de rap : « Je vois bien que certains pays d’Afrique paraissent aujourd’hui rejeter la France. […] Ils semblent avoir besoin d’un bouc émissaire pour cacher leur propre incurie et s’inventent par ce nouveau mythe une légitimité de façade. […] Qu’ils trouvent eux-mêmes leur chemin. Peut-être nous retrouverons-nous plus tard. » Ou peut-être pas. La France de Sarko ? Love it or leave it…
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