dimanche, mai 07, 2006

150 ans de solitudes

C’est au mois de novembre 2005 que j’ai commence ce blog, au milieu de la crise des banlieues à Paris. Depuis l’élection de Bush ou le onze septembre, deux phénomènes quasiment inséparable, je m’étais souvent trouvé dans une position difficile. Etant du Moyen-Orient, je me sentais directement visé et interpellé ; je ne pouvais pas rester silencieux. Venant aussi de la France, je me sentais encore plus forcé à parler. La politique américaine, il me semblait, ne comprenait ni les moyen-orientaux, ni les Européens. La naïveté et le simplisme étaient insupportables – mais ça allait dans les deux (trois ?) sens. Les Américains pensaient que la France était du coté des arabes et des musulmans ! C’était – et ça reste – parfois impossible à leur faire comprendre que Chirac n’est pas exactement un grand fan des arabes. La crise des banlieues montrait bien que la France n’a pas une relation facile avec ses étrangers. Les Américains considérait comme ennemi plus d’un milliard de musulmans. En parler nécessitait raconter la longue histoire politique du Moyen-Orient et l’influence des occidentaux dans les affaires de ces pauvres gens. Trop longue histoire. Il fallait aussi leur faire comprendre que les dirigeants du Moyen-Orient, ceux que les Etats-Unis et l’Angleterre ont ou bien mis en place ou bien ont supporté pendant des années ne peuvent représenter le peuple de la région. Il fallait aussi souvent rappeler qu’il y une grande différence entre Arabe et Musulman ! (Oublions la différence entre Arabe et Persan…) Mais de l’autre coté, en parlant aux Français ou à d’autres gens du Moyen-Orient, y compris ceux qui vivent aux Etats-Unis, que cette satané guerre est plus compliquée que ceux qu’ils imaginent. L’élément essentiel que les Européens et les Moyen-orientaux refusent d’admettre est que Bush parle honnêtement, avec une conviction réelle. D’ailleurs ça aurait été mieux si Bush était vraiment l’impérialiste, le businessman, qui sous prétexte de terrorisme, voulait occuper l’Irak. Pourquoi dis-je mieux ? Car la guerre aurait été plus courte et mieux menée ! L’Irak s’enfonce – avec Bush – car c’est une guerre d’idée, d’idéalisme et d’idéologie. Ces convictions profondes ont commencé la guerre ; ces mêmes convictions empêchent Bush et compagnie de voir les problèmes. L’Irak va mal non pas parce que les conservateurs américains faisaient sembler d’avoir des idéaux et qu’en réalité ils voulaient s’enrichir. A mon avis, l’Irak va mal car ils avaient de mauvaises idées. Penser qu’ils seraient accueillis par des roses, que tout le monde rêve d’être américain, que la démocratie à l’américaine est une panacée, que le reste du Moyen-Orient verrait la beauté d’une démocratie du marché et se convertirait immédiatement, que la violence ne se propage pas, que les gens pardonneraient les bombardements, que le reste du monde pardonnerait Guantanmo, que les vainqueurs ont le droit de ne pas respecter les règles du jeu, que les vainqueurs ont le droit de profiter de la situation, que les bonnes intentions suffiraient, que la puissance américaine est simplement imbattable, que les différences religieuses et ethniques sont facilement surmontable du moment où il y a une économie du marché, que…la liste est longue, pleine d’idées naïves. (Au milieu de tout ça, les mêmes Français qui se moquaient de l’aveuglement américain, pendant la crise des banlieues se montraient pareillement incapable d’autocritique. Je me souviens que quand l’idée de la polygamie des immigrés en France était présentée comme une explication plausible – et non pas risible – que j’ai commencé mon blog. J’en avais assez. Je devais, rien que pour le salut de ma santé mentale, je devais écrire pour au moins résister les simplifications.) Aujourd’hui, l’Amérique reste en choque ; la guerre va mal ! « Mais pourquoi ? » C’est comme si Freud n’avait jamais existé. Exactement 150 ans après la naissance de Freud, hier, deux hélicoptères se sont écrasés. Dix soldats américains tués dans le premier cas ; cinq britanniques dans le deuxième cas. C’est réellement tragique. Mais le cas anglais était plus important d’un autre point de vue.
Un hélicoptère de l'armée britannique s'est écrasé samedi après-midi 6 mai à Bassora, dans le sud de l'Irak, faisant plusieurs morts parmi les militaires et provoquant de violents affrontements entre civils irakiens et forces britanniques au cours desquels cinq Irakiens ont péri. La police irakienne a imposé un couvre-feu de samedi 20 heures à dimanche 6 heures, après les sévères heurts de Bassora entre les forces britanniques et des civils irakiens armés.
La violence était choquante. Le sud le l’Irak est relativement paisible…Et portant, les Irakiens presque fêtaient la mort de ces soldats ! Jetant des pierres aux soldats britanniques qui cherchaient à atteindre l’hélicoptère, ils chantaient ! Les meilleurs analystes sont perdus. C’est presque inexplicable… Je ne prétends pas pouvoir l’expliquer en entier non plus. Mais la relation entre les britanniques et les irakiens se détériorent depuis un an et les Irakiens du sud, presque tous shiites, ne veulent pas de servir de base d’attaques contre l’Iran. Tout ça joue un rôle. Mais cette éruption de violence était trop spontanée, trop violent, si mal organisée ; c’était une hystérie générale. C’est une exposition de la violence refoulée, de l’humiliation intériorisée. 150 ans après la naissance de Freud, on se demande encore pourquoi une autorité irrationnelle paternelle, qui elle-même est basée sur la violence, se heurte à la résistance, et puis à la violence.
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