dimanche, avril 30, 2006

Brzezinski et lIran

Je ne comprends vraiment pas pourquoi certains articles ne se font pas traduire sur le net. La semaine dernière, il y avait deux articles de Brzezinski, le National Security Advisor de président Carter. Deux articles contre la guerre en Iran. Puisque c’est la fin du semestre, je ne peux pas me permettre de prendre le temps de traduire le tout, mais voici plusieurs passages fascinants. « S'il y a une autre attaque terroriste aux Etats-Unis, vous pouvez parier votre dernier dollar, l’Iran sera immédiatement accusé, ce qui produira une hystérie publique en faveur de l'action militaire. » L’auteur nous donnes quatre bonnes raisons pour ne pas attaquer l’Iran :
  1. Sachant que les Iraniens ont au moins plusieurs années devant eux avant de pouvoir produire des armes nucléaires, une attaque américaine serait une déclaration de guerre unilatérale, anticonstitutionnelle, méritent un procès (impeachment) contre le président.
  2. Une telle attaque enragerait la région, et certainement le peuple iranien. L’Iran a 70 millions d’habitants ; en comparaison avec son voisin, une guerre en Iran rendrait la guerre en Irak une petite mésaventure.
  3. L’économie mondiale serait handicapée. Déjà, rien qu’avec les menaces d’une guerre, le pétrole est à plus de $70 le baril.
  4. L’Amérique deviendrait plus isolé, plus vulnérable et serait la cible de tous les terroristes.
De plus, l’auteur nous dit que même si l’Amérique est un pays puissant, il est clair qu’elle n’a ni les moyens militaires, ni le soutien publique quand il s’agit de faire face à une résistance, telle qu’au Vietnam ou en Iraq. L’article en général est vraiment intéressant. J’ai simplement relevé quelques points forts. Le reste…

samedi, avril 29, 2006

Se Buter contre l’absurde

Je ne suis pas vraiment satisfait de ma note d’hier. Il y a tellement de choses à dire à ce sujet que j’ai parfois du mal à le faire de façon concise. Je pense qu’il faut insister que la situation en Iran est vraiment très compliquée. J’ai donné plusieurs exemples hier. Aujourd’hui, je propose un survol politique.

Bill O’Reilly : ceux qui habitent aux Etats-Unis, on le plaisir de bien connaître ce charmant monsieur. Il a un show pour Fox News ; c’est un populiste de première classe (même s’il essaie de nous dire que Fox News n’est pas conservateur.) Le mois dernier, sur l’antenne, il a dit :

« Vous savez quoi, dans un monde intelligent/sain, tous les pays du monde s’uniraient pour faire exploser l’Iran et l’effacer du surface de la terre. Ce serait la chose intelligente/raisonnable à faire. »

D’un autre coté, nous avons Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix. Elle « avertit la communauté internationale que toute attaque américaine contre son pays incitera le peuple iranien à se lever pour défendre sa nation. En mots clairs, l'activiste des droits des femmes précise que les Iraniens ne toléreront pas le pied d'un seul soldat américain en Iran et qu'ils défendront leur pays jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Shirin Ebadi est convaincue que le programme nucléaire iranien ne pose aucun risque et qu'il n'est pas destiné à une utilisation belliqueuse. Cependant, elle réitère son appel à plus de transparence de la part du régime islamique de Téhéran afin que la communauté internationale aie la même conviction. Les Etats-Unis et quelques pays européens craignent que le programme nucléaire iranien serve à la création de bombes et ils incitent Téhéran à y mettre fin. »

Il semble facile quand c’est O’Reilly qui fait son cirque. Il a tort. Mais est-ce que Ebadi a raison ? Plus probable, certainement. Elle n’est pas folle. Mais alors, que faut-il croire quand on sait que Jean-Marie Le Pen s’est déclaré « favorable à ce que l'Iran ait la bombe atomique islamique».

S’il y avait un but Iranien, ce serait plus facile. Mais il n’y en a pas. Même dans un monde sain, intelligent – sans O’Reilly ou Le Pen – il me semble que la situation en Iran est loin d’être facile à interpréter.  

vendredi, avril 28, 2006

Le but de l’Iran?


Je suis toujours fascines quand je lis les articles sur la situation de l’Iran et l’obsession – et non pas l’ambition – nucléaire de Ahmadinejad.

Considérons Le Figaro. Dans la Rubrique Opinions d’aujourd’hui on peut lire un article intitulé, « En divisant les grandes puissances, l’Iran est train d’atteindre son but. »  Quel est ce but ? Arme nucléaire ? Oui et non. L’auteur de l’article se concentre sur un autre aspect :

« La communauté internationale agit comme si elle s'était donné le mot pour décrédibiliser définitivement le régime de non-prolifération nucléaire. On se rappellera la crise en Corée du Nord et le retrait de celle-ci du traité de non-prolifération (TNP) en 2003, sans que le Conseil de sécurité des Nations unies ne bouge par crainte d'un veto chinois. Si la communauté internationale semble n'avoir tiré aucun enseignement de cette crise, la leçon n'a pas été perdue pour tout le monde. L'Iran prépare le terrain pour suivre le même chemin, au cas où le développement de son programme nucléaire serait menacé par le Conseil de sécurité. »

L’auteur ajoute que :

« En jouant sur les divisions des grandes puissances, sur la peur d'une envolée des prix du pétrole et sur la menace d'un soutien accru aux mouvements terroristes de la région, les dirigeants iraniens semblent avoir atteint leurs objectifs. Leur attitude délibérément provocatrice n'est sans doute qu'une étape de plus sur la voie de leur retrait du TNP, comme l'indique également la lettre (passée largement inaperçue) qu'ils adressaient à Kofi Annan le 21 mars 2006 dénonçant les menaces américaines de recourir à la force contre la République islamique – ce qui, souligne Téhéran, va à l'encontre des principes de la Charte des Nations unies.
 
Peut-être n'est-il pas trop tard pour sauver la crédibilité du régime de non-prolifération souscrit par cent quatre-vingt-huit pays et qui fut, jusqu'ici, un succès incontestable.”

De plus, il affirme que :

« Quant à l'Iran, ses dirigeants ont réussi avec brio à poursuivre sans répercussion négative la maîtrise technique de toutes les étapes du cycle du combustible nucléaire, dont le pays n'a aucun besoin au cours des dix prochaines années. Ce faisant, il compromet toute chance de progresser avec l'Union européenne vers la conclusion d'un large accord de coopération.”

Ce n’est pas une mauvaise interprétation mais – ce n’est pas une grande surprise – elle est bien Eurocentriste. Les Etats-Unis sont traités comme le grand méchant loup ; les Chinois et les Russes comme des alliés dont il faudrait se méfier, l’Iran comme l’enfant terrible, et l’Europe incarne la politique de la raison.

Je ne vais pas m’occuper de l’Eurocentrisme, précisément parce que ça voile les autres problèmes.

  • L’Iran n’a pas un but. La majorité des Iraniens – même les expats – y sont pour. Mais pour quoi ? Pour l’arme nucléaire ? Certes il y a des imbéciles qui suivraient ce chemin. Il n’y a aucune preuve que c’est une majorité, ou même une grande minorité. Pour l’utilisation pacifiste à long terme ? Iran en aura besoin à long terme. On ne peut pas tout baser sur le pétrole. C’est une réalité. Mais les gens ne deviennent pas surexcités à propos des plans à long terme. Mais c’est aussi un des buts. Il y a aussi le but de rassembler le pays derrière un symbole. Il y a le but de divertir l’attention des gens des problèmes du pays. Le pays est en crise et ces discussions aident le gouvernement à détourner l’attention des citoyens.

  • Il n’y a pas de politique unie en Iran. Non seulement il n’y a pas de but unique, il n’y a pas d politique unique non plus. Le gouvernement est fracturé et il y a de plus en plus de factions au sein du clergé. C’est pour ça que Ahmadinejad dit qu’il veut la bombe ; Khameneini dit que le but est pacifiste, que le ministre des affaires étrangères dit qu’ils ont déjà la bombe, etc.

  • Cherchent-t-ils à provoquer le Ouest ? En partie, oui. Est-ce pour le TNP ? Possible mais ça ne peut pas être le but principal. Est-ce par nationalisme ? En partie, oui. Est-ce par haine des Etats-Unis/Israël ? En partie, oui.

  • Mieux encore : est-ce que les Iraniens veulent la guerre ? Comme je l’ai dit, il n’y a pas d’unité politique en Iran. Il est vrai qu’une faction espère pouvoir provoquer des attaques aériennes. Ils savent que les Américains n’ont pas assez de troupes pour envahir le pays qui est trois fois plus grand en surface et en population que l’Irak. Au mieux, les Etats-Unis pourront les bombarder. Ca tuera des citoyens innocents ; ça enragera la population ; ça servira le pouvoir d’une cabale religieuse.

L’Iran, en ce moment, est tout ça à la fois. C’est un mélange de politiques intérieure, étrangère et folle.

jeudi, avril 27, 2006

Salaire et Assurance Santé

Hier j’avais parlé des salaries en général, mais surtout ceux des PDGs. Alors que ces derniers ont eu une augmentation de 27% l’année dernière, la classe ouvrière n’a même pas eu une augmentation réelle, si on tient compte de l’inflation.

Souvent, le gouvernement blâme le coût des assurances pour ce recul. On nous dit qu’il faut comprendre que c’est à cause de l’augmentation des frais des cotisations, que le gouvernement considère l’affaire du secteur privé et donc se déclare incapable de gérer.

Mais ce n’est pas le cas.

  • Le salaire des moins rémunérés, les 20% du bas de l’échelle salariale, a reculé de 1,9% entre 2004 et 2005.

  • Seulement 24% de ces salariés avaient une assurance santé, payé par leurs employeurs.  

  • Le coût du secteur médical aurait dû être de l’ordre de 39% pour expliquer ce recul. En réalité, l’augmentation des frais médicaux n’était que de 9,2%.

Il est clair que l’augmentation du coût des assurances santé et les frais médicaux contribuent aux malheurs des moins payés, mais on ne peut pas se cacher derrière un problème – qu’il faudrait aussi aborder.

mercredi, avril 26, 2006

Votre salaire en comparaison

Un nombre d’articles intéressants ce mois-ci ont considéré le salaire des PDGs. C’est ne partie à cause de l’affaire Enron qui se déroule en ce moment au tribunal mais aussi le fait que le mois d’avril c’est le mois des impôts…

J’ai entendu des amis et aussi des commentateurs dire que « nous savons très bien qu’un PDG est trop bien payé » ; ils ne voyaient pas l'intérêt de ces articles. C’est vrai que nous n’apprenons pas grand-chose de nouveau, mais la répétition même est importante.

Le rêve américain qui nous dit que ceux qui travaillent réussissent (et par conséquence ceux qui ont échoué n’ont pas travaillé et nous pouvons avoir la conscience tranquille), cache ces grandes différences économiques et sociales.

Il est vrai qu’il y a plus de mobilité aux Etats-Unis qu’en Europe mais ce mythe – qui contient du vrai – en même temps masque de vrais problèmes et c’est en répétant ces chiffres, c’est en insistant sur ces inégalités que le débat pourra peut-être avoir lieu. Considérons ces chiffres :

  • En 1980, quand un travailleur ordinaire gagnait $1, le PDG gagnait $10

  • En 2006, quand un travailleur ordinaire gagne $1, le PDG gagne $430

  • Le PDG de Exxon gagne $144,000 par jour

  • Le PDG d’Occidental gagne $7,200 par heure ; soit $120 la minute

Si vous voulez encore plus personnaliser, allez sur ce site. En haut à droite, vous pouvez entrer votre salaire personnel et ça calculera en combien de temps un PDG moyen en obtient l’équivalent. Par exemple, si vous avez la malchance de gagner le SMIC $5.15 par heure, le PDG moyen – et non pas le plus payé au monde – gagne la même somme en moins de 14 secondes.


mardi, avril 25, 2006

Des frissons

Quand j’ai écrit mon billet d’hier, je n’avais pas encore vu cet article. Le président américain, dans un discours a dit :

« Je base une bonne partie de ma politique étrangère sur des choses que je crois être vraies. Tout d’abord, je crois qu’il y a un dieu tout- puissant. Et deuxièmement, je crois qu’un don du dieu tout-puissant est le désir dans chaque âme humain d’être libre, qu’importe votre apparence physique ou où vous vivez. »

Dieu est la première vérité de la politique étrangère ?  

Ca donne des frissons, rien qu’à y penser…

En parlant de frissons…le dernier sondage de CNN nous donne un taux de popularité de 32% pour le président. Pour nous qui avons dû nous forcer à apprendre le système étrange de Fahrenheit, ça nous fait quand même sourire. 32 degrés Fahrenheit (zéro Celsius) est la température qui gèle…

lundi, avril 24, 2006

Devinette

Mon président est un conservateur Mon président base une bonne partie de sa politique sur le pétrole Mon président est un souci contant pour les Iraquiens Mon président est un souci pour le monde en général Mon président est très religieux Mon président pense que Dieu le guide Mon président pense que la fin du monde est proche Mon président aime les armes nucléaires Mon président ne s’excuse jamais Mon président ouvertement défie les institutions internationales Mon président a le support d’une minorité religieuse fanatique Mon président se croit persécuté par le monde Mon président aime la provocation Mon président ne se soucie jamais de ce que les autres pensent de lui Mon président a des supporters qui adorent son insouciance Mon président a des supporters qui pensent que le reste du monde ne le comprend pas Mon président parle mal sa langue maternelle et en est fier Mon président aime se présenter comme un gars typique Mon président est populiste Mon président a des idées économiques étranges Mon président fait des promesses étranges Mon président ne tient jamais ses promesses Mon président aime la guerre Mon président est nationaliste Mon président pense qu’il a toujours raison Mon président se croit moralement supérieur aux autres Mon président se considère moralement supérieur aux autres Mon président n’écoute que ses conseillers qui n’osent pas le contredire Mon président se prend pour un révolutionnaire Je suis né en Iran, j’ai grandi en France et j’habite aux Etats-Unis. Qui est « mon président » ? (Je vous donne une indication : je ne parle pas de Chirac.)

dimanche, avril 23, 2006

Une si fragile forme de vie

La démocratie est une forme très fragile, toujours susceptible d’autodestruction. Avec la démocratie vient la liberté – celle de l’expression, celle de la pensée, celle de l’expérimentation. Pensez-y, c’est une forme de vie qui en soi accepte la contingence des choses ; elle s’ouvre vers le monde du possible. Elle est indéterminée – après tout, pourquoi votons-nous régulièrement? N’est-ce pas là un aveu institutionnel que nous ne savons pas où nous allons, et que c’est tant mieux ? N’est-ce pas un aveu que nous avons le droit et el devoir de changer d’avis car nous avons une forme de vie collective si fragile ?

Mais cette liberté, mal comprise, devient enivrante. L’inconfort qui vient avec la contingence doit être vécue avec patience et sagesse. La montée des extrêmes en Europe et aux Etats-Unis est à mon avis un très mauvais signe pour l’avenir car les peuples démocratiques semblent fatigués. Ils sont épuisés par le monde qui change et se transforme à une grande vitesse. Revenir en arrière, retrouver le bon vieux temps, redevenir Français, redevenir religieux, redevenir une nation, retrouver les valeurs familiales, retrouver la sécurité – financière et personnelle – d’avant…ces désirs alimentent la montée en puissance de la droite partout au monde.

Chez Ceteris Paribus, une bonne discussion a commencé hier. L’hôte avait mentionné un sondage selon lequel la majorité des américains préfèrent que les décisions militaires soient prises par des généraux et non pas par les politiciens. Menant à cette bonne réflexion :

« Mais l'impression dégagée par le sondage est quand même troublante : seul 1 Américain sur 5 adhère vraiment à l'idée, pourtant essentielle en démocratie, selon laquelle l'armée doit être sous le contrôle du pouvoir civil. »

Je suis bien d’accord que c’est un problème et que bon nombre d’idées « essentielles en démocratie » sont menacées. Mais je ne suis pas convaincue que celle-ci, l’affaire militaire, pose un problème grave.

Je trouve que c’est l’écroulement du mur qui séparait la religion et la politique – aux Etats-Unis et au Moyen-Orient – qui est particulièrement lamentable et dangereux.

Si la démocratie, comme je l’ai dit, nécessite l’acceptation de la fragilité de la vie commune, la religion est l’anti-dote. La religion est la réponse aux soucis de la contingence ; la religion c’est la promesse de la nécessité, de l’absolu face à un monde qui change à une vitesse cinglante.  

Le sondage qui me donne les frissons encore plus que l’affaire militaire :

« Pensez vous que (1) Dieu a crée l’homme dans son état actuel, (2) que Dieu a guidé l’homme à travers l’évolution pour arriver à son état actuel, ou (3) l’homme a évolué naturellement ? »

  • Position (1) : 53%

  • Position (2) : 23%

  • Position (3) : 17%

Soyons clair : la première position est purement religieux, et la seconde c’est de la religion cachée (dessein intelligent).

Donc presque 75% de la population serait contre l’explication scientifique.

Et quand on essaie d’en parler ? On nous dit que le christianisme est attaqué et que la gauche cherche à mettre la religion à part. Mieux encore, la gauche cherche à en faire une sorte d’apartheid. C’est ahurissant, pourtant. Seule une personne sur dix aux Etats-Unis se dit ouvertement athée. Essayez d’être élu sans être religieux, essayez de maintenir un discours éthique sans la religion dans ce pays…on verra qui est le plus menacé.

Comme je l’avais déjà dit, la distraction continue ; le débat sur l’insécurité continue sur le mauvais chemin.

Cette remontée acide de la religion, la défense de l’irrationnel, ça c’est terrorisant.  

samedi, avril 22, 2006

Discuter la situation en Iraq (1)

Je me suis récemment retrouvé, sans le faire exprès, dans des débats de blog (en Anglais) concernant la situation en Iraq. J’imagine que ça ne mènera à nulle part mais ça m’a donné l’occasion de penser à plusieurs questions/répliques typiques que l’on trouve dans ces débats.

Au lieu de faire un billet trop long qui mélangerait tous les aspects possibles, je vais essayer, au cours de plusieurs billets – non consécutifs – d’adresser les piliers de la position de droite américaine séparément.

« Vous ne semblez pas avoir d’alternatifs pour l’Iraq » est une accusation classique qui m’est souvent adressée. On la retrouve souvent dans les medias et les Démocrates sont souvent coincés face à ce reproche.

Tout d’abord, ce n’est presque jamais le cas. Les critiques de la guerre ont souvent des réponses. Mais on imagine qu’ils n’en ont pas et que nous aurions préféré garder Saddam au pouvoir. Ce n’est pas vrai et ce reproche sera le sujet d’un prochain billet.

Mais revenons à l’accusation d’aujourd’hui.

Tout d’abord, on a catégoriquement le droit de critiquer la guerre sans avoir à se soucier de trouver une « bonne » réponse, sans avoir à trouver La Solution pour cette guerre.

Je comprends la nécessité de proposer un (ou plusieurs) alternatif mais il est possible de simplement dénoncer cette guerre tout court.

Mieux encore, c’est injuste d’exiger de notre part une solution pour la guerre dans son état actuel. Avant la guerre, que faire avec Saddam était une question politique et morale à poser en général. Mais quand la guerre a commencé sans le soutien international, avec des prétextes évidents, le débat a changé.

Encore une fois, dans l’état actuel des choses, ce reproche n’est rien sauf de la violence rhétorique.

Une fois, j’avais un étudiant qui avait triché aux plusieurs devoirs et examens dans presque tous ses cours. Une fois qu’il s’était fait piqué, il m’avait dit « Mais j’avais plusieurs testes, j’étais complètement débordé, et si j’avais de mauvaises notes j’aurais perdu ma bourse et je ne peux pas payer pour la fac moi-même. Qu’auriez vous fait à ma place. Que feriez vous à ma place aujourd’hui ? »

Qu’aurais-je fait à sa place ? Je ne sais pas. Parce que je n’aurais pas laissé les choses arriver à ce point. Je ne sais pas ce qu’il devrait faire maintenant qu’il est coincé. Je ne sais franchement pas. Mais le fait que je n’ai pas une réponse ne justifie pas son choix. L’état actuel dans lequel il s’est trouvé rend presque toute solution logique impossible.

Bien entendu, je ne veux pas faire d’analogie facile. Je ne veux pas dire que c’est exactement la même chose que la guerre. Mais il y a quand même quelque chose de similaire.

Nous avions dénoncé la guerre précisément parce que nous ne pensions pas que ça allait arranger les choses. Maintenant que tout va mal, nous reprocher de ne pas avoir de solution relève de la mauvaise foi.

Je ne dis pas que nous devons nous taire, mais le « débat » en ce moment est devenu nébuleux et les questions sont trop mélangées. Cette accusation, injuste, fait partie de ce mélange. Je vais essayer de continuer à séparer les questions une à une et voir comment on pourrait les comprendre et les analyser. (Et si vous trouvez des questions ou des aspects du débat que je néglige, n’hésitez pas à me contacter. Merci.)  

vendredi, avril 21, 2006

Obscurantisme bis.


Mercredi, j’avais favorablement mentionné le rejet du simplisme en ce qui concerne l’Islam.

Pour que ce soit absolument clair, je ne suis pas religieux. Je pense que la religion, certainement l’Islam, fait plus de mal en politique que de bien.

Ceci dit, je suis vraiment navré de voir à quel point l’occident simplifie les choses. C’est compréhensible d’un point de vue. Il le faut quand on veut à tout prix continuer à croire à cette satanée guerre.

Quand on croit que la guerre continue à merveille, c’est compréhensible que l’on pourrait dire, comme l’a dit le commentateur conservateur de la radio, Michael Savage, qu’il faudrait tuer 100 millions de musulmans. C’est compréhensible, dit-il, après tout ou bien on les tue ou bien ils nous tuent.

Quand on croit qu’il faut continuer la guerre à tout prix, il faut se convaincre qu’il n’y a que l’Islam radical ; la modération est incompatible avec l’Islam. C’est compréhensible, quand on est Oliver North, le responsable de l’affaire Iran-Contra.

Quand on essaie de comprendre l’Islam à travers une bande dessinée, apparemment ce n’est pas difficile de croire la foi islamique mène à des attentas suicides. C’est compréhensible quand on est Neal Boortz, avec une audience de 2.5 millions de conservateurs.

Avec l’obscurantisme, c’est compréhensible. Pour nous autres, c’est répréhensible.  

jeudi, avril 20, 2006

Tout va très bien

Vraiment dommage qu’il n’était pas de ce siècle, Monsieur K. Nous en avons de jolis procès (et une belle bureaucratie comme j’en avais déjà parlé). Deux cas terroristes.

Commençons avec le cas déjà « résolu ». Sami al-Arian, professeur d’université en Floride, était accusé de complot terroriste en 2003. Il « a plaidé coupable dans le cadre d'un arrangement à l'amiable avec le procureur, et a été extradé, ont annoncé ses avocats vendredi 14 avril. »

Le jury l’avait acquitté de la majorité des chefs d’accusations et cet arrangement ne concerne qu’une accusation relative mineure. Le ministre des sceaux, Alberto Gonzalez, a déclaré que c’était une victoire pour le gouvernement dans le combat contre le terrorisme.

D’accord…mais si vraiment il est aussi dangereux que le gouvernement l’avait fait entendre, pourquoi accepter cet arrangement qui l’aide à repartir dans les pays du moyen-orient. En d’autres mots, si c’est un terroriste, est-ce vraiment une victoire que de le laisser partir ?

Deuxième cas, le cirque de Moussaoui. Qu’il soit schizophrène semble relativement évident. Aussi étrange sont les avocats de la défense ont une stratégie qui ne renie pas son association terroriste mais qui au contraire insiste que c’est le FBI qui est incompétent. Moussaoui voulait faire parti du Al Quaeda, mais même s’il avait dit la vérité la police fédérale l’aurait mal compris.

Aujourd’hui, c’est les procureurs qui ont admis qu’une bonne partie de la confession de Moussaoui – prétendant avoir comploté le onze septembre avec l’aide de Richard Reid, l’homme aux chaussures piégés – est non seulement improbable, elle est serait simplement fabriquée.    

Dans le premier cas, le gouvernement se déclare victorieux et laisse le « terroriste » partir où il veut.

Dans le deuxième cas, l’accusé fait tout pour perdre, y compris mentir. La défense ne renie rien. Le gouvernement admets que la confession de l’accusé est infondée mais cherche quand même à l’exécuter.

Juste des petits incidents, des petits riens.

Tout va très bien Madame la Marquise …

mercredi, avril 19, 2006

L’Antipathie aveugle

Je m’étais plaint avant des « Opinions » publiés dans Le Monde. Mais il faut dire que j’ai beaucoup aimé l’article publié il y a deux jours sur l’obscurantisme. Ce n’est pas long et ça vaut la peine d’être lu…  

mardi, avril 18, 2006

Le débat étrange

Avec un peu plus de recul on peut commencer à réfléchir sur les manifs récentes aux USA.

Les manifestations des immigrants, ici à Washington ou bien ailleurs, deviennent un phénomène fascinant. Alors qu’il y avait tant de manifs en France – où il existe une telle culture – il était intéressant de voir les villes américaines envahies par des manifs aussi.

Mais ça reste isolé, non pas en nombre de participants mais en terme de message. Tout d’abord, les manifestants sont presque tous d’origines hispaniques. Mais la loi ne les vise pas exclusivement.

  • Des 34 millions de personnes habitant aux Etats-Unis, nées à l’étranger, la moitié est d’origine hispanique. C’est beaucoup mais c’est la moitié.

  • Parmi les 11 millions d’immigrés sans papiers, on estime que 78% est d’origine hispanique.

Ils sont donc plus nombreux, sont plus organisés et ont plus de sans-papiers parmi eux que les autres.

Ceci dit, les premières manifestations étaient mal menées car ils avaient des drapeaux mexicains. Ils ont vite compris l’erreur symbolique et depuis ils ont des drapeaux américains. C’est beaucoup mieux. Mais à Washington, beaucoup des signes et pancartes étaient en Espagnoles ! Il y a du chemin à faire avant que ça devienne un vrai mouvement social. Ca s’est ralenti déjà…

Pire encore, le discours des manifestants incitait à plus de division. Beaucoup d’entre eux se placent contre les noirs américains et c’est une erreur grave. Je sais que la tension entre les hispaniques et les noirs monte chaque jour mais ça n’aide ni l’un ni l’autre.

(Pareille avec les autres étrangers. J’ai entendu un manifestant derrière un haut parleur qui disait, grosso modo : « Aucun des 19 terroristes du 11 septembre ne s’appelait Gonzalez ou Rodriguez. Mais beaucoup des soldats morts en Iraq s’appellent Gonzalez ou Rodriguez. » C’est vrai. Mais encore une fois ça ne va pas les aider d’essayer de diviser la communauté si fragile des immigrants. Beaucoup des hispaniques sont très pauvres – comme les noirs – et c’est pour ça qu’ils rejoignent l’armée où ils reçoivent des primes du genre quarante ou soixante milles dollars pour devenir soldat.)  

Les prémices cachées du débat doivent être analysés. J’aimerais ici me concentrer seulement sur la division entre les noirs et les hispaniques.

Ouvertement ou en privé, beaucoup de gens pensent que même si il y a « trop » de hispaniques, ils travaillent plus que les noirs. J’ai lu et entendu pas mal de Républicains dire ou insinuer que les noirs se contentent de la vie criminelle parce que c’est plus facile et qu’ils gagent plus comme ça.

Ce n’est simplement pas le cas. Ce n’est pas une meilleure vie.  

Les sociologues ont trouvé que :

  • 25 % des jeunes qui sont dans les gangs – sur une période de quatre ans – sont tués.

  • De plus, en moyenne, les dealers typiques de la rue (foot soldiers) gagnent bien moins que le SMIC (minimum wage) par heure. Pour beaucoup d’entre eux c’est $ 2.50 par heure ! C’est aussi pour ça que beaucoup de dealers vivent encore chez leurs parents…

Le débat est donc mal dirigé. Mais pourquoi ne travaillent-ils pas ? Est-ce qu’ils ne savent pas que c’est une mauvaise vie (financière) ? Le sociologue Orlando Patterson, membre de la communauté noire, nous dit que les jeunes noirs le savent parfaitement.

Ils continuent cette mode de vie non pas pour l’argent mais pour le prestige. Patterson nous dit que les jeunes noirs ont plus confiance en eux-mêmes que les autres jeunes !

Pourquoi ce prestige ?

A mon avis ça vient de la vie américaine.  Il faut savoir que plus de 3 albums sur 4 de rap ou de hiphop noir sont achetés par des jeunes blancs…

Les blancs des banlieues, dans une vie de consommation frustrée, avec des avenirs qu’ils ne désirent pas, projettent leurs rejets coléreux de cette société sur les noirs. La « violence » des noirs qu’ils arrivent à sentir par procuration est cathartique.

Beaucoup de compagnies de rap sont – si l’on suit l’argent – possédés par des compagnies blancs qui produisent toute une ligne de produits de consommations visés pour les jeunes, renforçant la consommation.  

Pour revenir à la question de départ, c’est faux de dire que les jeunes noirs ne veulent pas travailler et que les hispaniques sont plus courageux. C’est que les noirs sont les membres historiquement exclus de cette société. Ils sont blâmés pour la violence et sont en même temps encouragés pour maintenir une image de violence – qu’ils aiment à la mort comme le montre Patterson – sans en profiter. Le profit de cette image va aux studios qui arrivent à le vendre aux jeunes blancs, qui aussi se défoulent par procuration.  

Je ne dis pas que tout le débat sur les étrangers se résume uniquement à ça. Mais il y a beaucoup de préjugés étranges et infondés dans le débat sur les étrangers. Sans le savoir, c’est facile de blâmer les noirs ou les hispaniques.


lundi, avril 17, 2006

Est-ce que mieux vaut tard que jamais?

C’est quand même une bonne question. De plus en plus, les défenseurs de la guerre admettent qu’ils avaient tort. Apparemment, Colin Powell a admis que ni lui ni son ministère ne pensait que l’Iraq posait un danger d’armes de destructions massives. Il a aussi admis que les menaces nucléaires étaient infondées.

Fallait pas être un devin pour le savoir ; faut pas être un clairvoyant pour voir que les mêmes techniques sont utilisées pour l’Iran. Ce genre d’aveu est nécessaire – même si ça vient immoralement tard – pour peut-être éviter la même chose à l’avenir. Il faut se rappeler de ces moments quand dans un avenir proche les gouvernements – américain et autres – essaieront de nous faire avaler ces bêtises.

dimanche, avril 16, 2006

Blairer l’Iran


Le site Français armees.com renforce l’idée que Bush ne peut pas blairer l’Iran ; la guerre, l’article nous, dit est inévitable – mais quand ?

« Heureusement » – et il faut dire ça avec beaucoup de prudence – il semble que Blair s’est prononcé contre des attaques contre l’Iran.

Mais ce refus ne veut pas dire que le gouvernement américain renoncera à ses plans. Faire cavalier seul ne fait pas peur aux républicains.

En parlant des républicains, on ne peut jamais insister suffisamment sur le fait qu’il y a plusieurs types de républicains – religieux, fiscal, neo-conservateur, etc. Ce qui est exceptionnel chez Bush c’est sa capacité à incarner les désirs politiques de presque tous les mouvements du parti en même temps. Mais il peut le faire quand tout marche comme prévu quand sa politique commence à tomber en morceau, son image et l’image de son parti uni disparaît aussi.

Voici un exemple : un libertarien du Texas, républicain, qui a ce mois-ci attaqué les neo-conservateurs qui veulent attaquer l’Iran. Pour ceux qui peuvent écouter ou lire l’anglais couramment, c’est vraiment intéressant…  

vendredi, avril 14, 2006

La relativité des théories

Sans va sans dire que la politique n’est pas une science exacte. C’est une affaire humaine, contingente, et fragile. Ceci dit, n’avons nous pas un minimum de standard d’honnêteté ? N’y a-t-il pas au moins du grosso modo ? Apparemment, non.
  • Le 3 Avril 2006 : Hans Blix déclare que l’Iran est loin d’avoir la capacité de fabriquer la bombe atomique. Petit discours, peu de détails, mais c’est un expert.
  • Le 13 Avril 2006 : Le New York Times publie cette fois-ci un long article, renforçant la thèse de Blix. Que ce soit par manque de connaissances technologiques, ou par incompétence pure, dire que l’Iran doit consacrer encore des années de travail ininterrompu semble plus que raisonnable. L’article dit que le gouvernement américain pense qu’il faudrait 5 à 10 ans pour Téhéran ; d’autres experts pensent que c’est inconcevable que ça arrive avant 2020.
  • Le 12 Avril 2006 : Entre l’annonce de Blix et les détails qui ont suivi, il y eu aussi une autre estimation, venant de Stephen Rademaker – le vice-ministre (assistant secretary) du département de l’état, chargé des affaires nucléaires. Admettant que l’Iran est probablement incapable d’atteindre son but nucléaire immédiatement – et que ça pourrait prendre des années – ce clairvoyant a déclaré à la presse que l’Iran pourrait aussi produire l’uranium nécessaire pour la bombe en 16 jours !
Je ne sais plus quoi dire. Comment dans une démocratie où l’on doit théoriquement rendre compte de ce que l’on dit et être responsable dans le domaine public, dire de pareilles choses m’échappe.

jeudi, avril 13, 2006

La liste qui n’a jamais décollé

Daniel Brown, un « sergent de la police militaire des États-Unis de retour au pays après avoir passé huit mois en Irak s'est fait dire qu'il ne pouvait monter à bord d'un avion en partance pour Minneapolis parce que son nom apparaissait sur une liste de terroristes potentiels. » C’est la fameuse liste « no-fly » qui est supposée contenir la liste de terroristes potentiels. Mais le nom de Daniel Brown c’est comme Jean Dupont…J’ai eu déjà deux élèves qui avaient exactement ce nom. Pire encore, étant donné que Mohammad est le prénom le plus utilisé du monde, et qu beaucoup des terroristes avaient des noms typique – Dupont an Arabe – cette liste ne peut mener qu’à des situation absurdes. Richard Reid, le fou qui voulait faire exploser ses chaussures dans un avion a un nom qui apparemment n’était pas sur la liste. Mais on sait que le nom du sénateur Ted Kennedy y est ! Est-ce parce que c’est un sénateur démocrate? Shahid Mahmoud est sur la liste. C’est un caricaturiste canadien qui a des dessins féroces contre les Etats-Unis mais peut-on être sur la liste en tant que dessinateur ? Je suis harcelé à l’aéroport tellement que beaucoup de gens ont du mal à le croire. Pourtant on me laisse prendre l’avion…Je ne comprends vraiment pas comment cette liste marche – ou pas.

lundi, avril 10, 2006

La facture militaire 2007

Je n’ai pas encore réussi à trouver les détails pour les budgets des autres pays, mais on sait déjà que les Etats-Unis vont dépenser 440 milliards de dollars pour le budget de la défense. Avant tout, il faut absolument préciser que ce calcul exclue l’Iraq et l’Afghanistan. Le coût pour ces « projets » est séparément mesuré. Deux façons d’apprécier ce budget de 440 milliards :
  • Le point de vue international : Encore plus effrayant, il faut voir que le budget militaire mondial – tous les pays ensemble – c’est à peu près 900 milliards de dollars. La moitié du budget militaire mondial est dédié à un seul pays ! La Chine dépense 60 milliards et occupe la deuxième position ; la France en cinquième dépense 42 milliards.
Quand on dépense autant, il faut le justifier. Quand on achète tellement de jouets, il faudra jouer avec. Cette facture mènera vers plus de fracture – nationale ou internationale.

dimanche, avril 09, 2006

Avion espion

Tout le monde a vu les titres du jour. Comme Libé le dit, Bush s’apprête à dégainer contre l’Iran. Je continue à lire tout ce que je peux trouver (et si un de mes lecteurs trouve des articles intéressants à ce sujet, je serai ravi de le savoir.) Entre temps, aujourd’hui l’Iran essaie de riposter. Un journal Pakistanais vient de publier il y a une deux heures un petit article, selon lequel l’Iran vient de descendre un avion de surveillance – sans pilote. L’avion, issu de l’Iraq, prenait des images de la frontière.

samedi, avril 08, 2006

Comment pourrir le débat

Voila comment on peut ruiner une bonne cause, ou même étouffer une bonne question. La chaîne NBC, pour essayer de prouver qu’il y a de la discrimination contre les musulmans a envoyé – exprès – des hommes « qui ressemblent à des musulmans » parmi les spectateurs d’une course de voiture de Nascar. Nascar c’est bien le sport préféré de l’Amérique profonde. La majorité absolue des spectateurs sont en effet pour Bush.

Mais NBC s’est fait avoir. Non seulement ils n’ont pu filmer « des actions discriminatoires », leur plan a été rendu publique récemment – au grand plaisir des conservateurs.

C’est dégoûtant pour plusieurs raisons :

  • Premièrement, ils ont essayé de piéger ces pauvres spectateurs.

  • Ils ont manipulé l’image des musulmans.

  • Pire que tout : maintenant on peut plus facilement ignorer les medias quand ils parlent de la discrimination contre les Arabes qui en effet existe.

Etant fainéants, cherchent un scoop facile, ils gâchent et pourrissent le vrai débat. J’en ai des histoires – trop d’histoires – de discrimination depuis le onze septembre. Les « américains de souches » ont souvent du mal à le croire ; ils ont du mal à admettre qu’il y a de la discrimination. Ils ont maintenant encore plus de raison pour l’ignorer.

vendredi, avril 07, 2006

La résurrection Américaine

Dans une lettre à Freud, Romain Rolland (prix Nobel de la littérature 1916), lui demandait de reconnaître quelque chose de plus, au delà de la religion même – que Freud venait de critiquer dans son livre L’avenir d’une illusion. Rolland parlait d’un « sentiment océanique », de grandeur que nous éprouvons. Freud, sèchement, lui avait répondu que non seulement il n’éprouve pas de tels sentiments, l’analyste peut aisément prouver l’origine psychologique de ce genre d’attachement ou d’illusion dans l’évolution psychologique de l’enfant.

J’ai souvent parlé du phénomène religieux en Amérique, qui ne peut que surprendre. Les étrangers qui viennent dans ce pays, sont choqués de voir le rôle – social et politique – de la religion dans le quotidien américain, et se demandent souvent comment ce pays si industrialisé peut se croire religieux. Que ce soit la vie matérialiste ou la politique individualiste et sans pitié du pays, on ne peut que s’étonner. Encore un paradoxe américain…

Les américains même semblent ignorer du paradoxe, ou en tout cas ils ne s’en soucient pas. D’ailleurs, cette « exception américaine » renforce l’image qu’ils ont d’être unique. La religion renforce l’image « morale » qu’ils ont d’eux-mêmes.

Je n’ai jamais douté que la religion ne joue qu’un rôle sociopolitique ici. Ayant vécu dans des pays réellement religieux, celui-ci – je peux le dire sans hésitation – ne l’est pas.  

Mais pourquoi cette « exception » ? A mon avis, il a y au moins trois causes :

  • Les américains n’ont pas une identité historique aussi profonde que les autres pays majeurs de la scène internationale. Ca semble un cliché mais je pense sincèrement que ça leur donne une identité.

  • De plus, dans les pays capitalistes, on éprouve une crise constante d’identité – d’aliénation – et la religion donne une sorte de refuge. Ca donne bonne conscience aux gens qui ont trop d’argents en leur permettant d’exercer une certaine philanthropie (limitée), surtout en absence d’un état de providence comme dans les pays Européens ; ça rassure aussi les pauvres en leur permettant d’avoir de l’espoir.  

  • Troisièmement, ce qui permet aux deux causes précédentes de persister aux Etats-Unis, c’est l’histoire politique du pays. Quand historiquement la religion est officiellement associée à la politique – qui toujours, tôt ou tard, dégoûte tout le monde – le peuple ne pardonne pas ce mariage de pouvoir. En Europe, l’église a une longue histoire de collaboration directe et officielle avec la politique et les Européen n’ont jamais pardonné l’église. De même, je suis convaincu que l’avenir de l’Iran est athée. C’est obligé. En Iraq, qui était un pays séculaire, les gens se tournent vers la religion. Ils n’ont pas encore vécu les conséquences de la religion politique. Aux Etats-Unis, la religion – même quand elle est proche du pouvoir – par principe, elle reste dissociée. Les premiers américains sont venus dans ce pays pour exercer la religion librement quand ils ne pouvaient le faire en Angleterre. Qu’importe à quel point les politiciens se disent religieux, ils obéissent leurs intérêts économiques et politiques en premier lieu. Ainsi, ce président Bush qui se dit très religieux a facilement – très facilement – ignore sa propre église – et la majorité absolue des autres églises – qui s’opposaient à la guerre en Iraq. En anglais, il y a l’expression « pay lip service », qui veut dire faire semblant de croire…Les politiciens américains parlent de la religion et de la charité et passent des lins qui démolissent les pauvres ; ils parlent d’éthique et on a la guerre en Iraq. La liste est longue.    

C’est trop simplifier les choses et je pourrais parler de ces phénomènes pour longtemps mais en tout cas je n’ai jamais été persuadé que la religion même – la doctrine – est respectée.

Mes amis religieux – y compris les collègues théologiens – me disent souvent que j’ai tort et qu’il y a du sacré en Amérique. Je persiste à croire que la religion même n’est pas prise au sérieux.

Cette semaine, ce sondage vient d’être publié : « Croyez-vous qu’après la mort, votre corps sera un jour aura l’expérience de la résurrection ? »

A la surprise des théologiens et des prêtres, seulement 36 pourcent de Oui ! Même parmi eux, même pas la moitié en est certaine.

Le président d’un séminaire baptiste avoue que la majorité des américains se disent théiste mais il faut voir qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent.

    

mercredi, avril 05, 2006

Investissements étrangers

En ce moment, en même temps qu’il y a les manifestations et on défend le model français contre le model Américain (ou même Anglais), il faut savoir que la France, d’après Clara Gaymard, est beaucoup plus ouvert au model Américain qu’on le croit.

Ambassadrice déléguée aux investissements internationaux, Gaymard, épouse du ministre des finances, elle encourage les investisseurs étrangers en France. Mon but ici n’est pas de critiquer les investisseurs ou défendre le model américain. (Plus d’info sur elle.)

Je veux au contraire souligner le fat que la France nous donne l’image – avec les manifestations et même les discours du gouvernement – d’un pays plus raisonnable que les autres, avec plus de protections sociales.

D’après Gaymard : « Des étrangers possèdent 30 pourcents de compagnies non cotées en France, qui est plus que le Royaume Uni ou les Etats-Unis…neuf cents compagnies ont été vendues aux étrangers pendant les cinq dernières années. »

Encore une fois, ce n’est un commentaire sur l’économie même mais sur l’image contradictoire de la politique en France…

lundi, avril 03, 2006

Le Passé du Matin

Lundi matin, il faut se remettre au travail, la semaine se présente devant nous; on pense à l’avenir (proche). Et il y a des lundis matins comme aujourd’hui ; le passé hante et efface le quotidien. Le Guardian de Londres a forcé le gouvernement Britannique à publier des informations concernant la torture anglaise au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il n’y a pour le moment que quelques photos. 372 hommes et 44 femmes étaient emprisonnés et torturés dans une prison britannique en Allemagne. Ils étaient accusés non pas d’être nazi mais communiste… Un d’entre eux était un soldat homosexuel, qui avait déserté l’armé, pour retrouver son amant. Un médecin britannique relate la condition d’un jeune homme de 23 ans. Mince et malade, le médecin ne pouvait prendre la température du torturé – le thermomètre commence à 35 degrés Celsius – il était même en dessous… Il avait ses mains enchaînées derrière son dos, pour seize jours de suites, pendant les quelles il était régulièrement torturé, nu dans une cellule glaciale, il était arrosé – de l’eau froide – toutes les trente minutes, du 4h30 du matin jusqu’à minuit. Il faut se rappeler de ce genre de passé, même si c’est douloureux, avant de faire la leçon aux autres. (Entre temps, Libé vient de publier le premier article en français à ce sujet.)

dimanche, avril 02, 2006

Viré pour cause…

L’AFP a publié un article vraiment intriguant aujourd’hui et je dois admettre que je suis surprise de ne pas avoir vu la version anglaise partout sur le web – surtout un dimanche, le jour des infos… (La version anglaise, je l’ai trouvée sur un site libanais.) D’après l’AFP, Zarqaoui, le chef d’al qaida en Iraq a été viré ! Le Jordanien, accusé de "plusieurs erreurs" qui ont nui à "l'image" de la "résistance", a été remplacé par l'Irakien Abdallah ben Rached al-Baghdadi. "Le haut commandement de la résistance en Irak a demandé à Zarqaoui de renoncer à son rôle politique et de se cantonner à l'action militaire, en raison de plusieurs erreurs commises, qui ont donné une image négative de la résistance". En parti, il a été accusé d’avoir parlé au nom du peuple Iraquien. C’est un développement intéressant étant donné que Al Qaida est une organisation sans frontière, globale, qui refuse tout attachement autre que l’Islam (radicalisé). C’est pour ça que Ben Laden est parti de l’Arabie Saoudite pour l’Afghanistan et que Zarqaoui, Jordanien, est allé en Iraq. Qu’importe où se trouvent les « ennemis » de l’Islam, ces barbares y vont. Et d’ailleurs ils comptent sur la solidarité des croyants, au delà du nationalisme. Il faudrait voir ça comme un échec pour Ben Laden mais une victoire pour les insurgés. Cette recrudescence nationaliste est surprenante, mais ce n’est pas une bonne nouvelle en soi non plus. (J’avais déjà mentionné ce problème.)

samedi, avril 01, 2006

Place aux géants…

Parfois, il ne faut pas parler. Apres le tremblement de terre en Iran, hier matin, je savais qu’aller sur le net gâcherait ma journée complètement. Je savais qu’il y aurait des commentaires par des esprits vides, inhumains. Je le savais. Mais quand on suit la politique, il faut lire les racailles et les fripouilles aussi. Je savais que les sites conservateurs diraient que c’est Dieu qui punit l’Iran ; je savais que ces ordures se réjouiraient de la misère des autres. Je savais qu’ils trouveraient de « la justice divine » dans les failles géologiques. Je le savais mais je devais les lire quand même. Je savais aussi que je ne pourrais pas rester poli. Je fais toujours de mon mieux pour maintenir la politesse moyen-oriental au delà de la limite même du raisonnable. Je fais tout pour ne pas avoir recours à un registre déplacé et insultant. Mais je savais aussi qu’aujourd’hui j’aurai du mal. Je ne veux pas laisser la colère guider mon clavier ; mais je ne veux pas laisser le silence gagner mon esprit non plus. Alors je fais appel à un esprit astronomiquement plus fort que le mien – Voltaire. Son petit Candide était une réponse à ceux qui essaient de trouver dans les détartres naturels la raison théologique. A lui seul, il avait quasiment battu ce point de vue philosophiquement intenable et éthiquement mensonger. Avant d’écrire Candide, il avait écrit ce poème sur le désastre de Lisbonne, un tremblement de terre historique. Bien entendu, les pourris de l’époque avaient aussi essayé d’interpréter le séisme comme un message de dieu. Voici – en partie la réponse de Voltaire. Je le laisse parler et je me tais. ======= O malheureux mortels! ô terre déplorable! O de tous les mortels assemblage effroyable! … Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours! … Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes, Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes, Direz-vous: "C'est l'effet des éternelles lois Qui d'un Dieu libre et bon nécessitent le choix"? Direz-vous, en voyant cet amas de victimes:" Dieu s'est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes"? Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants Sur le sein maternel écrasés et sanglants? Lisbonne, qui n'est plus, eut-elle plus de vices Que Londres, que Paris, plongés dans les délices? Lisbonne est abîmée, et l'on danse à Paris. Tranquilles spectateurs, intrépides esprits, De vos frères mourants contemplant les naufrages, Vous recherchez en paix les causes des orages: Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups, Devenus plus humains, vous pleurez comme nous. Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes Ma plainte est innocente et mes cris légitimes Partout environnés des cruautés du sort, Des fureurs des méchants, des pièges de la mort De tous les éléments éprouvant les atteintes, Compagnons de nos maux, permettez-nous les plaintes. C'est l'orgueil, dites-vous, l'orgueil séditieux, Qui prétend qu'étant mal, nous pouvions être mieux .… Les tristes habitants de ces bords désolés Dans l'horreur des tourments seraient-ils consolés Si quelqu'un leur disait: "Tombez, mourez tranquilles; Pour le bonheur du monde on détruit vos asiles. D'autres mains vont bâtir vos palais embrasés D'autres peuples naîtront dans vos murs écrasés; Le Nord va s'enrichir de vos pertes fatales … A des infortunés quel horrible langage! Cruels, à mes douleurs n'ajoutez point l'outrage. Non, ne présentez plus à mon coeur agité Ces immuables lois de la nécessité … "Ce malheur, dites-vous, est le bien d'un autre être." De mon corps tout sanglant mille insectes vont naître; Quand la mort met le comble aux maux que j'ai soufferts Le beau soulagement d'être mangé des vers! Tristes calculateurs des misères humaines Ne me consolez point, vous aigrissez mes peines … Je ne suis du grand tout qu'une faible partie: Oui; mais les animaux condamnés à la vie, Tous les êtres sentants, nés sous la même loi, Vivent dans la douleur, et meurent comme moi.… Un désordre éternel, un chaos de malheurs, Mêle à nos vains plaisirs de réelles douleurs, Ni pourquoi l'innocent, ainsi que le coupable Subit également ce mal inévitable. Je ne conçois pas plus comment tout serait bien: Je suis comme un docteur, hélas! je ne sais rien. … L'homme, étranger à soi, de l'homme est ignoré. Que suis-je, où suis-je, où vais-je, et d'où suis-je tiré? Atomes tourmentés sur cet amas de boue Que la mort engloutit et dont le sort se joue, Mais atomes pensants, atomes dont les yeux, Guidés par la pensée, ont mesuré les cieux; Au sein de l'infini nous élançons notre être, Sans pouvoir un moment nous voir et nous connaître. Ce monde, ce théâtre et d'orgueil et d'erreur, Est plein d'infortunés qui parlent de bonheur. Tout se plaint, tout gémit en cherchant le bien-être: Nul ne voudrait mourir, nul ne voudrait renaître. Quelquefois, dans nos jours consacrés aux douleurs, Par la main du plaisir nous essuyons nos pleurs; Mais le plaisir s'envole, et passe comme une ombre; Nos chagrins, nos regrets, nos pertes, sont sans nombre. Le passé n'est pour nous qu'un triste souvenir; Le présent est affreux, s'il n'est point d'avenir, Si la nuit du tombeau détruit l'être qui pense. Un jour tout sera bien, voilà notre espérance; Tout est bien aujourd'hui, voilà l'illusion.
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